Pendant longtemps, j’ai pensé qu’être femme c’était être forte, indépendante, aux commandes, sûre de soi. J’étais assez féministe et, mes diplômes en poche, ne m’imaginais pas autrement que ces femmes « au travail » à qui j’avais envie de ressembler. J’ai donc commencé ma vie professionnelle plutôt en haut de l’échelle. Grosse entreprise, beau salaire, voyages… Toutes ces années passées à étudier derrière mon bureau avaient payé et, sentimentalement, je m’en sortais bien aussi, choyée et entourée de personnes fidèles. Etre femme n’était donc pas un sujet dont je me préoccupais. Je vivais et avançais sans me poser de questions, malgré les alertes, vertiges et angoisses. Alors quand mon mal-être m’a explosé en pleine figure, autant dire que j’ai été obligée de le regarder ! C’est à partir de ce moment-là que mon rapport à la femme a commencé à changer. Je suis devenue plus douce, moins exigeante et davantage à l’écoute de mes besoins. Une part de moi demeurait conquérante, rebelle, extrême et guerrière, mais une autre désormais l’accompagnait, plus modérée.
Puis j’ai eu la chance de devenir mère et de me plonger corps et âme dans cette nouvelle passion. Et que de surprises m’attendaient, pas toutes faciles et agréables ! Mon rapport au corps tout d’abord, que j’avais toujours considéré comme une machine solide et robuste à entraîner avec vigueur. Un ventre affaissé, des abdominaux brisés, des hanches douloureuses, un bassin instable. Que se passait-il dans ce corps… de femme ?! Ensuite, ma vie professionnelle. Plus envie de partir de la maison, de laisser « mes petits », de passer mon temps à des tâches qui soudain m’apparaissaient futiles. J’avais besoin d’être une mère, ce qui passait, pour moi à l’époque, par une présence quasi permanente auprès de mes enfants.
Et puis j’ai continué à grandir et d’autres envies se sont naturellement présentées. Ma balance intérieure s’est un peu stabilisée et j’ai commencé à équilibrer davantage ma vie de mère avec celle de femme. Alors, qui était cette femme ? Je me sentais plus en paix et en harmonie avec ce que j’avais besoin de vivre et ce que j’étais en mesure et avais envie d’offrir au monde. Une femme pas si différente d’un homme finalement, qui avait mûri, s’était questionnée, avait traversé des embûches et s’était relevée. Un être humain peut-être plus sensible et empathique, et encore ! Car pour la première fois, je découvrais autour de moi des visages de femmes si différentes. Nous étions, certes, toutes avec des seins et avions (ou avions eu) nos règles, mais il existait parfois un grand écart immense entre celle que j’étais et ce que le monde féminin me renvoyait.
Il y avait celles qui ne souhaitaient pas être mère (ou ne le pouvaient pas), celles qui n’aimaient pas les hommes (ou les femmes), celles qui travaillaient à longueur de journée, celles qui ne voyaient jamais leurs enfants, celles qui voyageaient tout le temps, celles qui restaient chez elles, celles qui s’habillaient en robe et collant, celles qui préféraient les joggings, celles qui se teignaient les cheveux, celles qui s’en fichaient des cheveux blancs, celles qui se mettaient du vernis, celles qui se rongeaient les ongles, celles qui pleuraient devant un film, celles qui ne comprenaient pas que vous le fassiez, celles avec plein de copines, celles plutôt solitaires, celles qui se saoulaient, celles qui ne sortaient jamais ou très rarement, les plutôt extrémistes, les plutôt timides, les plutôt extraverties, les plutôt modérées … tant et tant d’exemples !
Qu’était-ce donc, être une femme ?!! Au-delà de l’apparence, de la force physique, des aspirations professionnelles et familiales, des qualités intellectuelles, émotionnelles et humaines ? J’ai alors interrogé mon fils de douze ans sur la différence qu’il voyait entre un homme et une femme et il m’a répondu : « Aucune »… Au moment où j’écris, je ne sais donc toujours pas répondre à la question, admirant de grandes dames tout autant que de grands messieurs. La seule chose certaine est ma satisfaction d’être femme. J’ai aussi derrière moi une longue lignée de femmes qui m’ont amenée à réfléchir à la condition féminine et à ce que j’ai envie d’y transcrire. Elles m’ont toutes légué quelque chose de précieux. Ce que j’affectionne plus particulièrement chez ces femmes qui m’inspirent sont l’empathie, la douceur, la lucidité, la volonté et le courage. Dans le même temps, des figures masculines m’ont apportée des valeurs toutes aussi fondamentales, telle qu’aimer la nature et l’espèce vivante, et l’aventure d’exister.
Je souhaite que les femmes continuent leur émancipation de par le monde, car elles sont encore brimées et harcelées, subissant parfois l’esclavage. Dans le même temps, la vie de certains hommes n’est pas plus à envier, livrés eux aussi à l’infamie de gens plus puissants qu’eux. Alors quelle que soit celle que vous choisirez d’incarner et la vie que vous mènerez, je vous souhaite d’aimer être une femme, dans la défense, l’affirmation et le respect du féminin, et du genre humain dans son entier.